Critiques complètes de la discographie par Richard Métal

The Dream that Lies (1992)chronique de Richard Metal

On peut, sur ce premier démo paru en 1992, percevoir les premiers balbutiements d’un groupe qui, bien évidemment, était à des années lumières de se douter qu’il serait encore dans le décor musical de la scène métal québécoise 35 ans plus tard, mais qui s’appliquait adroitement à « reproduire » ce que ses maîtres lui avaient enseigné, sans se contenter de répliquer la même recette que ses influences évidentes.

Une production honnête, tant pour l’époque (ensevelie par la vague grunge) que pour la modestie assumée des ressources impliquées. On peut entrevoir une volonté de s’impliquer sérieusement dans un projet qui tient à cœur, avec toute la fougue et l’innocence conférées par cet esprit juvénile encore bien palpable sur les compositions majoritairement anglophones dudit démo. Du bon Heavy/ Thrash sauce américaine avec ce petit quelque chose qui, loin d’accrocher bien au contraire, nous laisse plutôt en bouche un goût de revenez-y, encore et encore.

Des paroles qui nous font dresser le poing, tantôt rebelles, de par leur côté insolent et contestataire, tantôt oscillant entre un esprit socio-politisé et la marginalité adolescente, le tout entraîné par un désir de faire sa place tout en restant à l’écart dans cette société qui se veut une terre d’accueil pour ces familles issues de l’immigration en provenance de l’Espagne, de l’Italie et du Chili.

Une première offrande donc, pour ce quatuor montréalais éclectique qui pousse l’audace d’inclure une première pièce francophone aux propos acerbes, Prosternez-vous, qui, sans le savoir, deviendra en quelque sorte leur Seek & Destroy, classique intemporel que les fans en devenir allaient encore scander à l’unisson des décennies plus tard.

N.B. La version que je me suis procurée n’avait pas d’illustration sur la page couverture. C’est Oscar qui, il y a 30 ans, a dessiné sa fameuse tête de mort au stylo directement dessus.

ANONYMUS – démo 1993 – chronique de Richard Metal

Si ma mémoire me sert bien, c’est par une journée grisâtre et embrumée (par ma faute) de 1993 qu’en sillonnant le défunt Mail St-Roch dans la Basse-ville de Québec, j’ai découvert Anonymus en fouillant dans une boîte à chaussures remplie de cassettes à vendre. Une cassette promo n’affichant que le logo Anonymus, avec seulement trois tounes. Je me suis dis que ça devait bien valoir le 3$ demandé… et calvaire que je n’ai pas eu tort !

En retournant chez nous en autobus, j’ai dû écouter les trois tounes une bonne dizaine de fois chaque dans mon walkman jaune, jusqu’à ce que les paroles viennent s’incruster indéfiniment dans ma jeune cervelle, déjà durement éprouvée par mes habitudes de vie… ma foi… douteuses.

Inutile de préciser que tout cela se passe avant l’ère Internet. Il me fallu donc me rendre à Montréal pour un concert X afin d’apprendre qu’Anonymus avaient un autre démo, The Dream that Lies, que je parvins à me procurer peu de temps après.

« Ceci n’est pas le démo officiel du groupe ANONYMUS, ce n’est que pour un usage promotionnel, à suivre… » Voilà la phrase qui figure entre les crédits de production et les paroles de cette cassette trois tounes promotionnelle enregistrée sur une Fuji DR-I 60 minutes, cette même cassette que j’ai achetée dans le défunt mail St-Roch il y a 31 ans et que j’écoute en ce moment dans le même Walkman jaune qui me l’a fait entendre pour la première fois.

Ni Vu, Ni Connu, Mer Noire et, encore une fois, Prosternez-Vous, nous présentent maintenant une évolution logique de ce que le quatuor Souto, Souto, Calliari et Araya avait à nous offrir à l’aube de la vingtaine. Assis entre la chaise représentée par l’adolescence et ce trône qu’ils s’apprêtaient inopinément à conquérir au cours de leur longue carrière qui s’amorçait encore, on peut clairement entendre ici un hybride entre hier et demain. Une production carrée sans être lichée, ni surfaite. Des compositions flirtant encore davantage avec le Thrash, avec un « rentre dedans » assumé comme seule ligne directrice. Et une maturité émergente, se laissant entendre notamment au niveau des voix, mais également sur le plan de la structure musicale manifestement plus étoffée. Le tout est encore une fois, tout comme pour son prédécesseur, produit par Karim « Kaz » Choucri et les quatre musiciens d’Anonymus qui semblent fin prêts à nous pondre leur premier opus.

Impossible de passer sous silence la volte-face idiomatique faisant en sorte que cette deuxième parution nous offre des paroles exclusivement francophones. Encore une fois, une décision audacieuse qui a eu pour effet d’offrir au peuple québécois l’une des toutes premières collections de chansons Thrash metal entièrement en français, sans aucunement en diminuer la qualité. Ne restait maintenant qu’à savoir si les auditeurs allophones allaient, eux aussi, y trouver leur compte. Mais déjà, un sourire béat se dessinait sur les premiers fans de ce « nouveau » groupe qui entrait dans ce territoire très niché en laissant une seconde marque bien prometteuse.

Ni Vu, Ni Connu (1994)chronique de Richard Metal

C’est donc cinq ans après sa formation qu’Anonymus livra son premier album, qu’il a encore une fois co-produit avec Kaz derrière les commandes. Conjointement à un article paru dans le magazine Arena rock, c’est dans les racks de l’Importateur (défunte boutique jadis située à Place d’Youville dans la haute-ville de Québec) que j’ai aperçu pour la première fois cette pochette rouge et intrigante sur laquelle le classique logo plane au-dessus de ce qui peut rappeler une scène apocalyptique et quadrillée par une aura virtuelle traversée par un électrocardiogramme annonciateur d’une finalité prochaine.

Dès la première pièce (Cyclope), on reconnaît d’emblée un son cru, Thrash avec une rythmique parfois saccadée, parfois plus mélodique, mais ne semblant pas vouloir faire dans la douceur. Les deux chansons suivantes Crémoécrémoépas et Choisir ou Moisir, mettent la table en annonçant sans équivoque un programme à saveur métal. Suite logique des deux parutions précédentes, Anonymus prouve qu’il n’a aucunement perdu son fil conducteur et livre un premier album incisif entièrement en français, reprenant même un morceau X qui figurait dans sa forme anglophone sur le premier démo (The Dream that Lies, 1992). Mer Noire, Ni Vu, Ni Connu et Prosternez-Vous sont encore une fois réunies dans leurs versions définitives qui se marient très bien avec l’entrainante « Amen » Toé, la sublime Balle d’Or et la fulgurante Démonomane (faisant office de premier vidéoclip officiel) clôturant de façon flamboyante ce premier album fort réussi et en contraste bien pensé avec l’instrumentale Obstinato qui la précède.

Sans se distancer de ses influences et surtout sans se dénaturer, les quatre musiciens ont su démontrer leur détermination à mettre à exécution tout ce qui pouvait les mener à leur rêve et cette première brique en constitua une assise solide.

Live Crash (1996)chronique de Richard Metal

C’est lorsqu’ils se sont produits au Café Étudiant du Cégep que je fréquentais à l’époque (Limoilou) que j’ai aperçu ce vinyle 10″ sur la table de merch. Je me suis empressé de l’acheter et de le faire autographier.

Ce premier Live est en fait un split avec Overbass. Les deux groupes se séparant donc les dix titres que renferme le vinyle rouge. La face A présente deux chansons d’Anonymus, soit Démonomane et X qui passent bien malgré une dissemblance manifeste d’avec le côté plus punk et joyeux de leurs comparses aux basses multiples. À noter que, nonobstant une production qui peut sembler modeste, le tout sonne très bien et permet aux auditeurs d’avoir une bonne idée que ce que les groupes leur réservent sur scène.

La face B met en vedette trois titres d’Anonymus, en commençant par un inédit (jusqu’alors) soit In Extremis, ainsi que la désormais classique Prosternez-Vous (avec une finale dévastatrice reprenant le riff de la majestueuse Balle d’Or) et se termine avec une reprise tirée du folklore mexicain, les deux groupes s’alliant pour livrer une version punk/metal de La Bamba pour clore de façon festive ce premier enregistrement devant public.

Stress (1997)chronique de Richard Metal

Toujours au Cégep Limoilou, c’est un peu avant le show de lancement qu’on avait reçu le CD en promo (à l’association étudiante) et que je m’étais fait un devoir sacré de faire jouer au moins une toune à chacune de mes émissions à la radio étudiante malgré le fait que le disque au complet jouait en rotation constante au Café et à l’Agora. Il faut se rendre à l’évidence que certains mécréants s’étaient copié l’album sur une cassette, mais c’était pour une noble cause.

Au fameux show du 2 mai 1997, les gars ont dû faire un moyen saut parce qu’on était une méchante gang à déjà connaître l’album par cœur (du moins les tounes en français ou en anglais ; notre italien et notre espagnol n’étaient pas encore à jour). Inutile de préciser que c’était avant l’ère Internet où les albums sont downloadés avant même de quitter la console d’enregistrement. On avait fait nos devoirs !

Bref, Stress fut à l’époque un album phare, figure sonore emblématique d’un mouvement en pleine transition, ayant récemment (mais fort heureusement, momentanément) été durement ébranlé par la vague de Seattle (pas Metal Church, Queensrÿche et cie, l’autre).

Des chansons qui sont arrivées à point, comme un presto prêt à exploser. Dès la fulgurante Sous Pression comme pièce d’ouverture, la table est mise et on leur mange dans la main. Des paroles toujours fracassantes comme sur Un Poing c’est Tout, puis une envolée italienne sur Questo è’l Destin nous ramène ensuite dans l’univers des tensions subsistant au sein de l’amour fraternel (La Vérité Choc) et le raz-de-marée Thrash metal continue de faire rage, une pièce après l’autre, sans temps mort.

Impossible de passer sous silence la sublime Un Pied dans la Tombe, incontournable moment charnière de leurs concerts dès lors et toujours aujourd’hui ; il m’est difficile d’essayer de dénombrer le nombre de fois où je fais irruption sur scène pour aller gueuler au micro :

Maintenant je vois plus la vie en rose

Mes journées sont pas mal moroses

Mon corps a quitté ce bas monde

Je me suis mis les deux pieds dans tombe

Mais je pensais ben aller plus haut

Pour que tout redevienne plus beau

Y’a un gars appelé Lucifer

Qui me fait la vie dure en enfer !!!

Un album magistral, chef d’oeuvral et dont la fin, In Extremis, nous permis de constater que nous ne saurons jamais ce qui ce qui s’est passé (We’ll never know) mais une chance, on avait pesé sur le bouton « repeat » en partant le CD.

Instinct (1999)chronique de Richard Metal

Dans la catégorie « le plus grand défaut de cet album-là, c’est de venir juste après celui d’avant » Instinct est un très bel exemple parce qu’après Stress (paru deux ans auparavant) la barre était haute… et pas à peu près !

Encore un pas de plus dans cette direction les conduisant lentement mais sûrement vers un metal plus rapide et pesant, Anonymus ont clairement fait le choix de ne pas se ramollir. Des riffs carrés, secs, saccadés avec des leads de guitares stridentes et des voix hurlantes (cette fois, majoritairement en anglais). Sans laisser transpirer de façon abondante de nouvelles influences, on perçoit bien des teintes plus actuelles (à l’aube de l’an 2000) sans toutefois s’aventurer dans le néo-metal, on se rapproche peut-être un peu parfois des Pantera, Biohazard, Anthrax (de l’époque) en gardant toujours cependant toute leur hargne et leur mordant si caractéristique de ce thrash metal qui les définit très bien, on sent seulement une légère distance par rapport à ce petit côté juvénile et un peu naïf pour un ensemble qui donne une impression plus sérieuse. Et ça vient avec un nouveau logo toé chose !

Des très bonnes chansons comme Impact is Imminent (qui sonne comme un hybride entre Exodus et Metallica) et la somptueuse Tierra, montrent toute l’étendue et le savoir-faire de ces musiciens chevronnés qui roulent leur bosse depuis une décennie de metal déjà.

Seulement deux pièces francophones soit Garde-Fou et Que le Diable m’emporte, toutes deux entraînantes au point de vouloir lever le poing en l’air pour les scander en même temps que leurs interprètes qui, et c’est digne de mention, ne lésinent pas sur les riffs accrocheurs lorsqu’ils ne sont pas occupés à hurler dans le micro. Soulignons également le fait que Carlos s’adonne de plus en plus aux rythmes endiablés des blasts-beats et pédale double dans le fond, notamment sur des morceaux déjantés comme Be the Other, une des pièces maîtresses de l’album, qui, emporté par le diable vient clore ce millénaire annonciateur d’une nouvelle ère… encore plus metal ?

Daemonium (2002)chronique de Richard Metal

Je me souviens très bien de la campagne de publicité entourant la venue de cet album. Tout était sombre, ce qui, dans ma tête du moins, était un bon présage. Sur les affiches et stickers notamment, on pouvait apercevoir la silhouette des quatre gars comme changés en gargouilles, le tout présenté en gris argenté sur fond noir. C’était très réussi et je trouvais l’esthétisme vraiment bien. Comme j’étais rendu à l’université à Rimouski, j’étais impatient d’arriver chez Audition Musik et d’y trouver le nouveau record d’Anonymus dans le présentoir. Quand le jour arriva enfin, on a eu droit à un deux pour un, car il y avait aussi un show d’annoncé.

Tout sur la pochette était noir ! À part les écritures et les deux petits diablotins qui rappellent les Fireys dans le film Labyrinth (1986), ça faisait donc très metal. En pesant sur play pour la première fois, j’ai été surpris d’entendre des genres de violons, je ne m’attendais pas à ça… Je me rappelle même d’avoir arrêté et sorti le CD pour être bien sûr que c’était la bonne affaire qui jouait. À la seconde tentative, je me suis rendu jusqu’aux voix scandant Invisible Man et je suis pas mal certain que ma face s’est transformée en sourire à ce moment précis.

Suite logique de son prédécesseur, ce nouvel opus continue sur la même lancée, en gravant encore plus profondément ce sillon qui ne prend pas de détour. Mis à part un petit flirt avec le reggae qui fait grincer des dents sur Loto-Destruction (une des deux seules chansons francophones sur l’album), le reste n’offre ni grande surprise ni déception ; Anonymus ont désormais une identité propre bien ancrée et forgée à même le metal. On s’attend à ce que ça sonne comme du Anonymus (qui est maintenant devenu une référence bien méritée) et ils livrent une fois de plus la marchandise.

Pièces mémorables de l’album : Mephisto (sans doute l’une des plus sophistiquées à date) faisant rappel à Tierra, Why be the Judge (qui se mérita un vidéoclip) parfait exemple de l’efficacité du vocal plus criard de Marco entremêlé de rythmes changeants dont la rapidité frôle parfois le death metal, le début acoustique de La Mano Criminal (chanson en espagnol) qui vient adroitement présenter ce titre à saveur heavy classique avec ce chant tellement distinct et surtout Fou moi la Paix, qui, comme son titre l’indique, est une câlisse de claque dans face !

L’Académie du Massacre (2003)chronique de Richard Metal

Tu te souviens sans doute de la face que t’as fait la première fois que ta mère t’a proposé de mettre de la confiture aux fraises sur ta beurrée de beurre de peanuts ; c’est probablement la même que j’ai fait quand j’ai entendu dire qu’Anonymus allait faire de quoi avec Mononc’ Serge. Pis après avoir goûté à la beurrée (PBJ*) comme après avoir écouté L’Académie du Massacre, tu te dis « Câlisse, ça marche! » * PBJ : Peanut Butter & Jelly

Pareil que deux petits gars de quartiers différents qui ne savaient pas qu’ils avaient le droit de jouer ensemble, une union colossale est née, comme la fois où j’ai amené mon château de He-Man chez un petit gars dans le bas du village qui, lui, avait la forteresse de Skeletor. Des heures et des heures de plaisir !

Du gros fun noir tout le long de l’album, mettant de l’avant dans un savant mélange, tant l’ironie lyrique du loufoque parolier que le son direct et sans vergogne de ces quatre petits bums qui viennent métalliser sa prose.

Encore plus que l’album (qui s’écoute sans effort d’un bout à l’autre, à mesure qu’on découvre des « nouvelles » niaiseries qu’on n’avait pas entendu la fois d’avant parce qu’on riait encore la joke qui venait de passer), c’est la tournée effrénée (et j’ose estimer avec un succès sans précédent pour tous les artistes impliqués) qui est venue promouvoir aux quatre coins de la province cet album déjà mythique qui était subrepticement devenu la trame sonore d’une génération regroupant une populace de fans grandissante, unissant des gens de tout acabit sur un seul et même thème : avoir du fun !

Les Patates, L’Âge de Bière, Marijuana deviennent des classiques instantanés s’entremêlant aux chansons plus subtiles ou celles qui demandent un peu plus de réflexion (mais pas trop) pour un ensemble qui peut, et à juste titre, être classé comme album culte de la scène (pas seulement métal) québécoise.

La Pâques Satanique (2005)chronique de Richard Metal

Un beau ramassis de 18 cantates représentant les carrières respectives des nouveaux comparses (Mononc’ Serge & Anonymus) ainsi que mettant en vedette leur récente fornication bestiale, le tout capturé live au Métropolis de Babylon (à l’exception de deux pièces enregistrées au Granada à Sherbrooke) puis vomi de bon cœur sur un beau DVD te permettant de revivre cette belle folie dans l’inconfort de ton salon.

Tous les titres de L’Académie y figurent (sauf 13 Juin 2003) et de belles surprises comme la présence de Un Pied dans la Tombe, les trois vidéoclips de L’Académie et une version bâtarde de l’irrévérencieuse Fourrer, mariant une fois de plus on ne peut plus adroitement la sauce de Mononc’ à celle d’Anonymus pour une bonne poutine graisseuse !

Un petit avant-goût de ce que l’avenir réserve pour la troupe de joyeux lurons sur le point de connaître une légère mutation, mais on devra attendre quelques années avant qu’ils appuient de nouveau sur le bouton les mettant temporairement sur hold…

Chapter Chaos Begins (2006)chronique de Richard Metal

Suite à l’annonce du départ d’un des quatre membres fondateurs du groupe, une certaine inquiétude plana temporairement au-dessus du spectre Anonymus et dans l’inconscient collectif de ses fans de plus en plus nombreux.

Marco Calliari ayant choisi de quitter le navire pour aller voguer sur de nouveaux horizons musicaux, les trois membres restants ont décidé de poursuivre (momentanément du moins) en trio. Et comme les tonalités vocales plus criardes de Marco allaient manifestement laisser un vide qu’Oscar seul ne pourrait combler, c’est Carlos et Daniel qui allaient sporadiquement apporter leurs touches personnelles en renfort au chant éraillé caractéristique du bassiste et lyriciste principal.

Une production très lourde, gracieuseté J-F Dagenais (Kataklysm) faisant encore davantage la lumière sur la tangente de plus en plus extrême que le trio semble vouloir exploiter, en fleurtant de manière quasi exhibitionniste avec le death metal, comme si tout doit être plus vite (Faster) dans un amalgame de thrash agressif et violent, usant du chant guttural et des blast beats autant que des cris hargneux et des breaks qui veulent te dévisser la tête (Fonce ou Crève) contenant même un petit clin d’œil NWOBHM à la Maiden. Le retour du chant trilingue fait également plaisir à entendre, comme une forme de retour aux sources apportant, par antithèse, un vent de fraîcheur.

Des rythmes précis, tantôt simples, mélodiques et accrocheurs, tantôt plus mathématiques (mais sans jamais donner mal à la tête) pour un album qui se veut très bon dans son ensemble et qui laisse une impression que les gars sont fâchés et déterminés à ne jamais lancer la serviette. Puis un nom (au 3e rang dans la liste des remerciements) se fait de plus en plus entendre. Un nom qui allait bientôt être accompagné d’une face avec une barbe pis une paire de lunettes : Jef Fortin.

Musique Barbare (2008)chronique de Richard Metal

Pourquoi changer une recette gagnante ? Pourquoi arrêter abruptement une aventure qui semble être synonyme de plaisir ? Et surtout, pourquoi ne pas donner aux fans ce qu’ils demandent à l’unisson ?

Les malfrats décidèrent donc finalement de sortir de leur hiatus temporaire et d’offrir un autre méfait au public en accueillant au sein de leur confrérie ledit barbu à lunettes pour pondre Musique Barbare en guise de réponse à la question des cinq dernières années : « À quand L’Académie du Massacre II ? »

Je n’oublierai jamais la soirée de lancement dans un bar de Montréal où je suis arrivé avec ma blonde de l’époque, française en visite pour une première fois, débarquée à Dorval à peine une heure avant la première sur écran géant du vidéo pour la chanson Pas Pire et sa face remplie de points d’interrogation jusqu’à ce que je lui présente les gars plus tard dans la veillée et qu’elle me sorte « Les mecs paraissent plus charmants et articulés en vrai que sur écran ». Priceless !

Une douzaine de belles niaiseries sonores qui rendent justice à l’album prédécesseur qui a initié cette belle folie. Mononc’ et Anonymus ont répondu à l’appel en livrant la marchandise une fois de plus avant d’entamer une tournée tout aussi festive que la première fois, agrémentée de quelques vidéoclips scabreux à souhait pour le bon plaisir de tous… ou presque. Mention particulière à l’invité spécial sur la chanson René Lévesque, nul autre que Rick Hughes, frontman de la légendaire formation Sword.

Sans réinventer l’eau chaude (ce qui n’était visiblement pas la visée) l’album Musique Barbare répond aux attentes qui étaient très hautes en soulevant un nouveau questionnement : « À quand l’Académie du Massacre III ? »

XX Metal (2009)chronique de Richard Metal

Cette double offrande (CD/DVD) constitue une collection de chansons survolant les 20 premières années d’existence de la formation. On y retrouve donc, en format audio, une sélection de 18 titres voulant faire office de « best of » ainsi que quatre titres inédits, dont deux provenant de la session d’enregistrement de Daemonium (This Order et Deadline), une chanson composée pour un film d’horreur (Goregoyles) et l’instigatrice d’un autre grincement de dents encore plus fort que celui provoqué par Loto-Destruction sept ans plus tôt. Cette fois, Anonymus s’est accouplé furtivement avec le rap pour Fesse dans le Tas ; c’est correct, on peut leur pardonner l’affront… même Anthrax l’ont déjà fait.

Du côté visuel, le DVD contient des extraits live relatant la carrière du groupe, ses vidéoclips ainsi que du matériel bonus à saveur biographique. Bien qu’une version CD des démos aurait été appréciée, et un livret plus étoffé, cette compilation est somme toute assez représentative de l’étendue du répertoire Anonymussien et serait fort appropriée pour faire découvrir le groupe à quelqu’un qui aurait passé les 20 dernières années dans une grotte… ou dans le bois à deux cent milles au nord de Shefferville. Parce qu’en 2009, le nom d’Anonymus était déjà depuis longtemps connu de tout bon métalleux de la province.

Final Bâton (2011)chronique de Richard Metal

Avec un titre qui sonne plus comme une menace qu’une promesse, les cinq mécréants expurgent une fois de plus leur fiel irrévérencieux à l’aide de ce DVD comprenant des extraits de deux spectacles filmés les 28 et 29 décembre 2010 (et non 2011 comme il est écrit sur le boîtier) respectivement dans la métropole et la vieille capitale.

Au menu, une vingtaine de compositions résumant de façon adorablement grotesque la progéniture issue de l’accouplement de ces deux entités distinctes et désormais quasi indissociables. Les prises de vue parviennent à bien exposer l’ampleur de l’engouement suscité par le phénomène que sont devenus Mononc’ Serge & Anonymus. La fébrilité de la foule participative est bien palpable tout comme la symbiose entre le plaisir de jouer et celui de rendre ses fans encore plus survoltés.

En guise d’extras on retrouve, outre les vidéoclips associés à l’album Musique Barbare quelques moments captés dans les coulisses de l’Impérial et du Club Soda. Cinq ans après la parution de son dernier album officiel, Anonymus s’est assez fait désirer et est maintenant fin prêt à relâcher une nouvelle bête…

État Brute (2011)chronique de Richard Metal

Je Suis la Bête, premier extrait endisqué par Anonymus sous sa « nouvelle » version (Araya, Souto, Souto, Fortin), nous présente le groupe dans sa forme 2.0 et gonflée à bloc. Signe avéré qu’ils ont repris les rênes et connaissent très bien Le Prix à Payer. Celui de demeurer Enragé et ce, À la Vie, À la Mort afin d’être à nouveau Maîtres Chez Nous. Une petite escapade hispanique sur Cada Loco Con Su Tema puis c’est L’heure de Vérité, celle d’assouvir cette Rage de Vivre, Maintenant ou Jamais et de sortir ce qu’ils savent faire de mieux : du métal à l’État Brute !

Un nouvel album donc, sans grande surprise ni aucune déception. Ça sonne exactement comme ce à quoi on s’attendait. La suite logique dans une carrière prenant une ampleur indéniable, laissant pas à pas une impression de respect bien mérité. Un sérieux imposé avec aplomb, venant faire un contraste marqué d’avec cette folie, comme un mal nécessaire, instaurée avec L’Académie du Massacre, 8 ans auparavant.

Des harmonies de guitares bien travaillées, des riffs saccadés et accrocheurs, des beats de drum enivrants comme arrangés d’avance avec le département du brassage de tête et le responsable du tapage du pied. D’une efficacité déconcertante, l’album coule bien, sans heurts ni temps mort. La tournée de cet album a été très marquante pour moi, ayant eu la chance à quelques reprises de réaliser à quel point Anonymus est une machine de guerre en show, huilée et réglée au quart de tour. Je me souviens vivement avoir dit, à la fin de leur prestation ici à Québec « Câlisse, je ne voudrais pas être le groupe qui va jouer après eux ». Et j’avais raison de penser comme ça.

Envers et Contre Tous (2015)chronique de Richard Metal

Quand ce disque-là est sorti, je me suis dit instinctivement : « un nouveau Anonymus, on sait à quoi s’attendre, ça va être bon comme d’habitude, mais y’aura pas grands changements, c’est pas comme si y nous surprendrait avec des chanteuses, du piano ou de la harpe quand même ».

En sortant du HMV, je suis embarqué dans mon char, j’ai mis le CD et je me suis convaincu que j’avais eu raison. Ça sonne Anonymus, normal, c’est ça qui est écrit sur la pochette du CD ! Tout allait ben, je roulais tranquille sur le boulevard, mais rendu à la 3e ou 4e toune, il y a quelque chose qui s’est mis à sonner bizarre… Comme un genre de sirène. Et c’est là que le sapin de Noël s’est mis à flasher dans mon rétroviseur et que je me suis rendu compte que je roulais à 140… U.S. Ça fait qu’une espère de relation amour/haine venait de se créer entre moi et cet album qui m’a coûté 18,99$ + 180$ en contravention, or, donc, depuis ce tout premier jour, je me méfie de cet album comme de la peste à chaque fois que l’envie me prend de l’écouter dans le char… et elle me prend souvent… j’ai la tête dure !

Surprenant, vivifiant, décapant. Un coup de poing dans face, une claque en arrière de la tête pis un bon coup de pied dans le cul ! Mordant, cinglant, envoutant. Comme s’ils avaient pris tout ce qu’ils avaient déjà fait de mieux, ajouté leurs meilleures idées en plus d’une full aux as avec deux jokers, crissé ça dans un blender et étaient entré au studio avec ça dans leurs biberons. Même Marco est revenu faire un tour !

Incisif, instinctif, corrosif. Pas un seul moment faible, c’est pas des farces, mêmes les pauses de 3 secondes entre les tounes sont bonnes tellement je suis excité de ce qui s’en vient. Abrasif, addictif, agressif. Une myriade de mélodies entraînantes adroitement agencées par une kyrielle de notes justes et enrobées par des rythmes endiablés que tu souhaiterais éternels tellement t’as du fun, les deux yeux fermés, le sourire fendu jusqu’aux oreilles à t’imaginer avec eux sur scène jusqu’à temps qu’une main sur l’épaule te ramène à la réalité et que tu te rende compte que ton lieu de travail n’est peut-être pas l’endroit de prédilection pour le beau solo de air guitare/drum/bass/chant que tu viens d’offrir à tes collègues qui te trouvaient déjà un peu bizarre. Mais dans ta tête, tes yeux se referment et tu repars de plus belle, Envers et Contre Tous !

Quand mon amie Louise m’a demandé si je voulais m’occuper de la section « critiques d’albums » pour un livre dédié à Anonymus, je n’ai pas eu besoin de réfléchir avant de lui répondre oui. Mais je me suis demandé s’il fallait que je demeure constamment monotone et impartial dans une objectivité terne et cartésienne ou si je conservais mon style passionné en faisant parfois écrire ce petit bum qui a découvert le groupe il y a plus de 30 ans, le laissant parler avec son cœur, avec ses trippes et que je faisais confiance aux lecteurs qui seraient sans doute assez intelligents pour lire entre les lignes et se faire leur propre idée, basée sur leurs expériences et leurs souvenirs à eux. Tu vois comme t’es intelligent hein, tu as trouvé laquelle des deux options j’ai choisi.

Ah ! Et cet album-là, dans mon palmarès à moi, je lui donne une note de 15 sur 10.

Poésie Oralite Metal Musique Écrit (2017)chronique de Richard Metal

Comme s’ils s’étaient donné le mot pour me prendre à tord d’avoir pensé ce que j’ai écrit au début de ma critique d’Envers et Contre Tous, ce n’est pas avec des pianos ou des harpes mais bien avec une gang de poètes qu’Anonymus osent nous surprendre avec P.O.M.M.E, ce projet audacieux enregistré sur vinyle et tiré à 500 copies.

Bien qu’on reconnaisse facilement la tonalité à laquelle ils nous ont désormais habitués, les compositions sont écrites dans un métal plus varié, voir aéré par moment, laissant place aux envolées lyriques des interprètes oraux les accompagnant, comme sur une version opéra rock de La Nuit de la Poésie.

Mention particulière à la pièce Jour de Christ, qui se démarque non sans rappeler la troupe à feu Jacques Racine et Lucien Francoeur (Aut’Chose), à Dévotion qui met elle aussi en avant la voix d’Érika Soucy sur la mélodie de la classicisme Un Pied dans la Tombe ainsi qu’à Je Vous Catastrophe qui aurait très bien pu figurer sur l’un des albums précédents.

Sacrifices (2019)chronique de Richard Metal

Voici un album qui aurait pu s’intituler Instinct II et, entrer lui aussi dans la catégorie « son pire défaut c’est de venir après lui d’avant ». Mais après avoir été sur le high d’Envers et Contre Tous pendant quatre ans, il était temps de se construire de nouveaux souvenirs.

Encore une fois, c’est la suite logique d’une longue série d’albums bien réussis. Ça rentre. Les refrains restent dans la tête. On va même à se demander si les gars n’avaient pas eu vent d’une pandémie qui allait bientôt assombrir nos existences et nous conscientisaient déjà à cette ère où l’absence de pudeur fait place à la censure exagérée (Scandale), le règne des vermines de la so called cancel culture. Ils font sortir le méchant !

Des propos directs, à la limite d’être acerbes, mais qui se veulent le vaisseau de messages crus et nécessaires, véhiculés par une musique qui ne fait pas dans la dentelle ; à une époque on aurait dit, c’est pas pour les…

Les émotions, bien que très présentes, sont moins variées que sur Envers et Contre Tous. C’est plus linéaire, méchant, limite… malsain. Sur La Violence Engendre la Violence par exemple, ils frôlent (voir dépassent) les limites du métal extrême en alliant les blast beats aux breaks hardcore, comme un crossover entre Slayer sur le speed et du Hatebreed encore plus fâché.

Après un album aussi féroce, c’est dur de rester « positif » comme le soulève la pièce de fermeture qui nous amène à nous poser la question : « À quand une ballade d’Anonymus ? »

La Bestia (2020)chronique de Richard Metal

La Bestia est paru au début d’une pandémie universelle qui allait paralyser nos vies pendant des très longs mois, c’est d’ailleurs en période de confinement que j’ai eu le privilège d’assister en direct à un concert on ne peut plus intime d’Anonymus en formule spectacle virtuel diffusé à partir d’un bar de Québec.

Cet album se veut en quelque sorte une compilation hispanophone reprenant majoritairement des chansons d’Anonymus en espagnol. Ça fait drôle d’entendre Sous Pression, qu’on connaît par cœur depuis un quart de siècle, mais chantée en espagnol (Bajo Presión).

Toute la détermination et la témérité du groupe peuvent être perçues sur Sobrevivir qui a même eu droit à un vidéoclip. De son côté, Violencia Versus Violence nous pousse un long cri style black metal avant de reprendre, dans un mélange français/espagnol, la 8e pièce de Sacrifice en l’assombrissant encore un peu plus avec davantage de vocaux torturés.

Chapeau à la production, ça sonne en ta’ ! La pochette est réussie et l’édition die-hard/deluxe en vinyle orange est tout simplement sublime. Maintenant, c’est normal d’avoir hâte à un nouvel album rempli de chansons d’Anonymus, mais mon petit doigt me dit qu’on va devoir patienter encore un peu et que les gars vont être occupés pendant un bout avec un autre projet.

Metal Canadien-Français (2024)chronique de Richard Metal

Au moment d’écrire ces lignes, le présent album n’est pas encore sorti. J’ai donc usé de tout mon charme en m’adonnant aux pires bassesses pour parvenir à en usurper une copie virtuelle à l’un des responsables de ce nouveau méfait, je l’en remercie d’ailleurs du privilège et pour cette marque de confiance. Voici donc une critique à froid, après seulement une dizaine d’écoutes consécutives et par conséquent, sans l’ajout de la dimension émotive généralement conférée par des années de souvenirs.

Pour user d’un euphémisme pré-fait, disons que la barre (pas de coke là !) est pas mal haute quand vient le temps de quantifier les attentes face à une 3e collaboration entre ces drôles de zigotos. Après un pareil succès (L’Académie du Massacre & Musique Barbare), on est en droit de jongler avec l’idée de ne pas gâcher une recette gagnante et celle d’y ajouter de nouveaux ingrédients ou encore un peu plus de tout ce que les gens redemandent. Tout est là ! Le son metal d’Anonymus qui nous offrent d’excellentes compos, la voix décâlissée de Mononc’ qui te baragouine un autre beau paquet de niaiseries pis en plus, les tounes rentrent au boute et on a même droit à une chanson en anglais et…une ballade, ou presque.

D’innombrables clins d’œil (gros comme le bras) à d’autres groupes et même à La Guerre des Étoiles ! Un rappelle à La Soirée du Hockey en passant par le match sanglant du Vendredi Saint, une révérence à une couple de groupes hommage et le coup d’envoi est donné en saluant de façon bien cinglante les vieux tabarnak de métalleux (parce qu’Anonymus et Serge sont tranquillement en train de devenir eux-mêmes des membres de la ligue du vieux poil ). Une louange aux bienfaits de la cocaïne (qui fait évidemment sortir ce qu’il y a de mieux en nous), des effets électro-futuristes pour backer leur ode à la technologie, un éloge à la fin du monde bref, un 3e album s’a coche qui fait plaisir à écouter en boucle ou en char. Un tour du chapeau pour Mononc’ Serge & Anonymus qui s’apprêtent à venir nous garrocher ça en pleine face. Ça va être bon (comme le but d’Alain Côté).